Interview
Interview d'Amie Kaufman et Jay Kristoff pour Illuminae (09/2016)
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire un livre sous forme de messages et d’images ? Quelle a été votre inspiration ?
Nous savions depuis le début que nous souhaitions écrire un livre constitué d’emails, essayer quelque chose de nouveau et pousser la logique jusqu’au bout. On s’est demandé dans quelle situation Ezra et Kady auraient-ils à communiquer par email. Nous nous sommes dits : «Ils n’ont qu’à être dans deux vaisseaux différents. Pourquoi ? Une invasion de leur planète ! Et ils sont toujours poursuivis ! Harcelés ! Ordinateurs fous ! HAAAAAA. »
On a vraiment commencé à explorer des directions inédites en termes de forme quand AIDAN, l’intelligence artificielle, est devenu narrateur. Rapidement on s’est rendu compte qu’AIDAN ne serait pas qu’un simple ordinateur, mais un personnage à part entière, avec une façon unique de raconter – en partie parce qu’il a une manière non-humaine de voir l’univers, mais aussi parce qu’il est complètement déjanté.
La forme et l’intrigue ont été conçues en même temps, c’est pourquoi elles sont à ce point imbriquées. Sans rien spoiler, il y a une véritable justification narrative à cette forme. Le roman – l’objet que vous avez entre les mains – contribue directement à l’intrigue.
Pouvez-vous nous décrire le processus de collaboration sur Illuminae ?
Pour être honnête, on a fait pas mal de brainstorming au pub. Jay boit, Amie mange des chips, et on parle jusqu’à ce que le scénario ressemble à quelque chose. On réfléchit en général sur cent pages (avec une petite idée aussi d’où on va), et on se partage le travail en fonction de ce qui nous semble le plus pertinent. Pour ce qui est de la répartition des personnages eux-mêmes, on a commencé par en prendre un chacun – Jay a pris Ezra, et Amie, Kady – et à partir de là le reste du casting a émergé progressivement quand on en a eu besoin. Il y a une différence énorme entre écrire ensemble et écrire séparément. Mais si on trouve le partenaire idéal, c’est étonnant à quel point on peut travailler en bonne intelligence. C’est tellement enthousiasmant d’ouvrir le document et de découvrir ce que vos personnages sont devenus entre-temps dans les mains de votre co-auteur !
L’année 2575 est vraiment très éloignée. Avez-vous trouvé ça dur de vous projeter si loin dans le futur et pourquoi avez-vous choisi cette date en particulier ?
La difficulté principale avec la science-fiction, c’est qu’à la vitesse incroyable à laquelle la technologie évolue, au moment où le livre est terminé, elle peut vous avoir dépassé. Il n’y a tout simplement aucun moyen de lutter. On a adoré imaginé le futur, mais on ne sait pas si on va avoir raison. En vérité, l’avenir aura sûrement l’air de quelque chose qu’on ne peut même pas imaginer aujourd’hui. Ce qui est plutôt génial.
Pour ce qui est de la date, nous nous sommes demandés combien de temps l’humanité mettrait pour développer une telle expertise dans le domaine du voyage spatial, utiliser les trous de vers pour pouvoir coloniser l’univers, et s’étendre à un tel nombre de planètes qu’une attaque sur l’une d’elles puisse passer inaperçue. On a donc choisi 500 ans avec l’aide d’un ami astrophysicien. Qui sait ce qu’il en sera réellement !
Quel était le message que vous souhaitiez faire passer ?
Avec Illuminae, nous voulions explorer le prix que les gens étaient prêts à payer pour obtenir la vérité, jusqu’où on peut aller pour sauver les gens qu’on aime, et si la fin justifie les moyens lorsqu’on est à la frontière entre le bien et le mal.
Quelle est votre étape préférée dans le processus d’écriture ? La réflexion préalable, les personnages, l’intrigue, les dialogues, etc.
Ca varie de livre en livre, mais pour Illuminae, notre étape préférée a été l’écriture des conversations en messages instantanés entre Kady et Ezra, ou entre Kady et AIDAN. On est partis sur quelque chose d’assez flou : « Kady et Ezra se disputent », et après on a improvisé, ce qui fait qu’on se surprenait systématiquement l’un l’autre par des twists, des blagues, ou des punchlines bien senties.
Sinon, les brainstormings au pub étaient vraiment sympas aussi !
Pensez-vous réellement que dans le futur, nous serons capables de voyager dans l’espace comme dans l’univers du livre ?
Amie est une optimiste qui pense qu’on en sera sûrement capable. Jay craint que l’humanité ne disparaisse avant. Mais s’il y a une chose dont nous sommes sûrs, c’est que la race humaine est ingénieuse, inventive, et incroyablement créative, particulièrement lorsqu’elle est en péril. On fait tout ce qu’on peut pour se mettre en danger – par exemple la façon dont nous traitons notre environnement – mais nous espérons que nous serons suffisamment créatifs pour nous en sortir et trouver un chemin vers d’autres mondes !
Le voyage via les trous de ver est purement théorique, bien sûr, mais ce sont des théories qui émanent des personnes les plus intelligentes de cette planète. C’est vital que nous continuions à repousser nos limites, à financer les projets de recherche et d’exploration de l’espace, parvenir jusqu’à Mars et plus loin encore. La sonde Voyager a atteint les limites de notre système solaire l’année dernière – les humains sont officiellement des explorateurs interstellaires maintenant !