Interview
Jean-Luc Cornette et Paul Teng racontent Jhen (10/2015)
Alors qu’il attend patiemment le retour de Venceslas dans une auberge de la ville fortifiée de Sibiu, en Transylvanie, Jhen assiste, impuissant, à l’attaque d’un village valaque par les akindjis et les janissaires ottomans. Après la récente défaite de ces derniers face aux troupes hongroises, leur chef, le çorbasi Tursun Oktchan, cherche à venger l’affront en passant sa colère sur des paysans pauvres et désarmés. Et en s’emparant, au passage, de l’imposant crucifix qui ornait jusqu’alors l’église du monastère de la Sainte-Croix. Le seigneur local n’envisageant pas une seule seconde de partir combattre les pillards, Jhen tente une sortie afin de délivrer Venceslas, fait prisonnier alors qu’il rendait visite à un ami entré dans les ordres au monastère de la Sainte-Croix.
Après son passage dans les Carpates avec l’album Draculae, Jhen poursuit son exploration d’une Europe orientale dépecée par les ambitions territoriales ottomanes et hongroises. Alors qu’il est sur la route du retour pour le royaume de France, il fait étape dans la ville de Sibiu, fondée au xiie siècle par des colons saxons et chargée, comme de nombreuses autres cités fortifiées de Transylvanie, de barrer la route aux armées turques qui menacent, déjà à l’époque, Buda et Vienne. L’histoire s’achève non loin des Portes de Fer, impressionnant défilé du Danube entre la Valachie et la Serbie — alors sous domination ottomane — qui a donné son nom à cet album.
Deuxième récit du nouveau duo de scénaristes formé par Jean-Luc Cornette et Jerry Frissen, il voit par ailleurs l’arrivée d’un nouveau dessinateur : Paul Teng. Grâce à son trait réaliste, celui-ci offre un Jhen plus mature et moins docile, finalement assez éloigné du héros classique tel que mis en images avec talent par Jean Pleyers, cocréateur du personnage avec Jacques Martin. Avec ses qualités et ses défauts, ses aptitudes mais aussi ses limites, ce Jhen se révèle plus humain et mieux à même de déclencher l’empathie d’un lecteur qui cherche de plus en plus à s’identifier aux personnages dont il découvre l’histoire.
Trois questions à Jean-Luc Cornette et Paul Teng
Quels éléments vous ont séduits dans la série Jhen ?
J.-L. C. : Jacques Martin nous a offert une version de la fin du Moyen Âge crue et violente, mais subtile en même temps. Jhen étant architecte, on n’est jamais loin de sujets historiques et culturels.
P. T. : C’était un défi et une chance de pouvoir travailler sur une série bien établie et de grande qualité qui se déroule au Moyen Âge, une époque qui me passionne et qui m’offre toute opportunité de dessiner de l’aventure et de l’action pure.
Comment définiriez-vous cette série ?
J.-L. C. : Tout comme Alix et Lefranc, Jhen est une série classique. Elle fonctionne selon des règles établies il y a longtemps : le héros s’en sort toujours, il est jeune, il n’a pas d’attache, il traverse les époques mais ne vieillit pas...
P. T. : Jhen est un personnage classique, une toile blanche qui sert à peindre de magnifiques tableaux historiques.
Que pensez-vous apporter à ce personnage ?
J.-L. C. : Une forme plus contemporaine. Nous avons commencé en retirant les pavés de textes qui, de nos jours, n’ont plus de nécessité. Cela bénéficie à l’action. Par la suite, nous aimerions le rendre plus humain, qu’il vieillisse un peu, qu’il doute, et pourquoi pas lui imaginer une fiancée ou des parents.
P. T. : Tout en respectant le travail de Jacques Martin et de Jean Pleyers, j’ai demandé et obtenu le droit de dessiner les personnages dans mon propre style. Jhen est une série avec des possibilités infinies ; il serait bien d’en profiter au maximum. J’attends avec impatience l’avis du public.